Les magnifiques photographies de Rémi Flament sont un incroyable plongeon en couleur dans le passé. Le 17 avril, ce spécialiste en imagerie souterraine et son équipe sont intervenus pour le compte de la société Capture 4D qui numérise depuis le mois de janvier la Citadelle de Besançon. Pour faire descendre dans le puits un scanner dynamique, il fallait une équipe expérimentée, et équipée.
“Le puits de la Citadelle est accessible uniquement par cordes. Nous étions donc trois personnes pour réaliser cette opération de numérisation. Une aide en surface, une au fond du puits et une dernière à la gestion de la descente du matériel d’acquisition » explique Rémi Flament, photographe ambassadeur Fujifilm, dont la société basée en Haute-Loire a déjà exploré le puits du château de Joux dans le Doubs.
Le scanner dynamique BLK ARC permet de faire des copies numériques de site en 3D. Il utilise des mesures laser à très haute fréquence couplées à des photographies. Une suspente a été fabriquée pour numériser des ouvrages verticaux, une première en France. Cette fois-ci, le voyage vers le centre de la terre mesure exactement 117.92 m de profondeur !
C’est toujours très impressionnant d’accéder à des sites aussi emblématiques. Le premier cordiste qui descend dans le puits ne voit pas forcément le fond, même avec des frontales puissantes. Quand le deuxième descend, la lumière émise au fond donne un vrai sentiment de grande profondeur.
Rémi Flament, photographe
Rémi Flament était accompagné ce jour-là de son équipier cordiste : Etienne Chabrier et de son aide de surface, Philippe Sage. En complément de la mission scientifique, le spécialiste des milieux souterrains a pu réaliser des photos du puits, du scanner 3D et de son éclairage fabriqué sur mesure par la société Méandre Technologie.
En numérisant, “on voit bien la forme du puits, des détails géologiques comme les strates traversées ”
“En descendant dans le puits, on découvre les traces de sa construction, des traces d’encoches, d’anciennes traces de tir à l’explosif pour fragmenter la roche avec de la poudre noire. Le puits n’est pas parfaitement vertical, on le voit avec nos cordes de progression qui font office de fil à plomb” détaille-t-il, admiratif des hommes qui au 17e siècle ont creusé le puits avec les moyens de l’époque.
« Tout le monde se demandait s’il y avait un passage secret au fond du puits, non, il n’y en pas » complète Hugo Parent en charge du projet de numérisation de la Citadelle – Lense Vesontio révélée.
Lors de cette descente dans les entrailles du puits, Rémi Flament a pu constater l’étonnante conservation des lieux. “On est ici sur une roche calcaire qui se dissout au contact de l’eau, mais le puits est encore trop récent pour voir une altération de la roche” ajoute le spécialiste. « On voit parfaitement les traces d’outils utilisés à la seule force des bras. C’est très émouvant. »
Il a fallu une journée à l’équipe technique pour réaliser la numérisation. Les données collectées du puits sont aujourd’hui assemblées au travail remarquable de surface de l’entreprise Capture4CAD. La sauvegarde numérique du puits est dédiée aux générations futures. C’est aussi un fabuleux moyen de pouvoir l’observer aujourd’hui. « Ce travail laisse libre cours à l’imagination, par exemple avec l’impression 3D, il est possible de proposer au public une maquette à l’échelle du puits dans ses détails ». Notre travail commun avec Capture4CAD est de rendre accessible l’inaccessible. » C’est très gratifiant, conclut Rémi.
L’histoire du puits de la Citadelle, plus de 10 ans de travaux
Vauban avait tout prévu. La Citadelle entoure la boucle du Doubs, l’eau n’est pas très loin. Au 17e siècle, les besoins en eau étaient satisfaits par des systèmes de canalisations, mais qui pouvaient être détruits lors des premières heures d’un siège ennemi. Vauban fait donc construire un puits d’une grande profondeur pour atteindre la nappe phréatique, qui fonctionnait grâce à une roue de 4 mètres actionnée par un homme qui y marchait à l’intérieur pour remonter les seaux d’eau.
Selon les recherches et la publication de Paul Courbon, spéléologue, qui cite le professeur Maurice Gresset, grand historien de Besançon, le creusement du puits aurait été entrepris en 1681. Son creusement n’avançait guère à cause de la dureté et de la compacité de la roche. Après deux accidents mortels, les ouvriers cessèrent le creusement qui ne reprend qu’en 1683. Les travaux seraient achevés en 1693.
En 2015, des spéléologues du Comité départemental de spéléologie du Doubs ont pu explorer la cavité. Objectif : déterminer la profondeur exacte du puits. Les données étaient contradictoires. Certains disaient 125 mètres, d’autres 130.5 mètres.
Finalement, la mesure a été relevée avec un instrument électronique. Le puits fait selon eux 117,02 mètres.
Selon les spéléologues du Doubs, le puits de la Citadelle est le plus profond de France, devant celui de la Halle à Cordes-Sur-Ciel dans le Tarn (114m), et le puits du château de Joux, 102 m (Doubs).